Infolettre #1
Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat, Ta Mère a eu la fausse bonne idée de demander à Alexandre Fontaine Rousseau de prendre le contrôle de son infolettre.
Cette semaine, Alexandre enquête sur les couvertures des livres à paraître ce printemps…
Tu connais sûrement le vieux proverbe niaiseux selon lequel il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Il s’agit, évidemment, d’un mensonge perpétué par certains éditeurs qui engagent des graphistes à rabais pour qu’ils leur gossent vite faite une couverture laite sur Microsoft Paint ou pour qu’ils agencent savamment une illustration clipart avec un titre en Comic Sans MS.
Sérieux. Viens me faire croire que la maquette classique de la NRF ne te fait pas de l’œil chaque fois que tu penses à t’acheter la version d’un roman publiée chez Folio. C’est une très belle photo de nature morte que vous avez choisie là, gang. Mais je pense que je vais opter pour l’élégance et la sobriété, quitte à payer vingt dollars de plus pour mon livre.
Entre toi pis moi, tu vas être pogné avec ce livre-là dans ta maison pour un bout de temps. Ça fait que t’es aussi ben de le trouver beau, tant qu’à payer pour. En plus, c’est quand même un peu insultant pour ceux qui se fendent la bicyclette en deux pour faire une bonne job de faire comme si c’était le comble de la superficialité d’être sensible à leur travail.
Aux Éditions de Ta Mère, en tout cas, personne fait semblant que c’est pas important dans l’espoir d’être pris au sérieux. Au contraire, les couvertures sont conçues spécifiquement pour flasher, attirer ton attention et t’inciter à te départir de tes derniers deniers. Enweille don’. Ça va crissement ben paraître sur une photo en plongée, à côté d’une tasse de café.
Watch out, Instagram.
Tout ça pour dire qu’il y a trois nouveaux titres à paraître ce printemps chez Ta Mère et qu’ils ont tous en commun – vous l’aurez sans doute deviné – le fait de posséder une couverture. Fidèle à son habitude, Benoit Tardif s’est surpassé, et je me suis dit que ce serait quand même plate de ne pas le souligner.
Ça fait que j’ai décidé de jaser de ça avec lui, au lieu d’essayer de vous parler de trois livres que je n’ai pas encore lus. On va donc juger ces trois livres là à leur couverture, étant donné que c’est tout ce qu’on a pour le moment de toute façon.
» Pour Alice marche sur Fabrice, l’idée d’une couverture hyper colorée est venue assez rapi-dement : le sud de la France et l’Espagne, ça m’inspirait des couleurs chaudes. De plus en plus, j’essaie de dessiner des décors, des paysages. Je trouve que c’est intéressant et que ça multiplie les possibilités de concepts… et le paysage est important dans ce récit-là. «
» Ce que je trouve de plus en plus difficile, c’est de m’assurer que mon illustration colle au ton d’un livre. Mon dessin est naturellement drôle et ç’a été une réelle remise en question quand j’ai fait la couverture de La Singularité est proche. Ç’a été la galère, en fait. J’ai travaillé sur un autre concept, jusqu’à la journée où il fallait envoyer les fichiers à l’imprimeur… »
» Mais à la dernière minute, on s’est rendu compte qu’on n’aimait pas ça! En plus, j’avais un rendez-vous pour mes REER ce jour-là. Mais une heure avant mon rendez-vous, j’ai ressorti mes crayons… L’idée de l’eau est forte dans le texte. Ça et l’angoisse du soleil… On aimait le côté sensible de cette couverture, alors que ça manquait totalement à la précédente. »
» Pour Dimanche, je voulais faire quelque chose d’assez minimaliste, probablement en noir et blanc. L’idée de la salle de bain, c’est venu assez instinctivement; ensuite, j’ai eu celle des gouttes dans le miroir. Je trouvais que ça collait bien au texte. On a fait quelques tests et Maxime Raymond [ndlr : le gars qui refuse vos manuscrits] a proposé le bleu. Ça évoquait un peu la solitude, mais aussi la neutralité. Une certaine froideur. »
Ce que je retiens de tout ça, c’est que Ben a des REER pis pas moi. Tant mieux pour lui.