Infolettre #13
Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses autrices, auteurs, créateurs et créatrices. Aujourd’hui, on a demandé à Jean-Philippe Baril Guérard de vous parler de son nouveau roman, qui souffre d’un grave manque de visibilité.
La popularité est un étrange animal. Je connais pas un seul artiste qui rêve pas d’atteindre le maximum de gens possible. Inversement, je connais aussi très peu d’artistes qui n’ont jamais été coupables au moins une fois de mépriser une œuvre simplement parce qu’elle est trop mainstream. Moi le premier : j’ai été ce hipster à l’avant-garde, au début des années 2010, qui sillonnait le Mile-End sur son fixie, avec une camisole toujours un peu humectée de sueur, un anneau dans le septum, une barbe touffue, des Pabst plein son sac messager et une connaissance extrêmement pointue de tous les bands indie rock émergents. Je portais mon savoir de ce qui passe sous le radar des médias mainstream comme un badge d’honneur.
Normal : tout le monde aime l’underdog. On aime être le curateur qui découvre l’illustrateur génial qui n’a que 200 followers sur Instagram. On veut faire partie des 12 spectateurs d’une performance pop-up de l’artiste berlinois qui est de passage pour deux soirs au Centre Phi. On veut être des Élus qui ont réussi à acheter un 4-pack de la toute nouvelle IPA camerise-arachide de Messorem Bracitorium qui sera mise en vente mardi à 18h et qui sera sold out mardi à 18h03.
Le Jean-Philippe du début des années 2010 aurait sûrement contourné l’étalage de Haute démolition à l’entrée de la librairie pour aller chercher un essai de Eileen Myles dans un sombre recoin. Malheureusement, on a perdu la trace de ce Jean-Philippe quelque part pendant la dernière décennie. On le soupçonne d’être encore embarré dans les toilettes de la Casa del Popolo, et c’est peut-être mieux comme ça, parce qu’il serait très déchiré entre la joie et le mépris en ce moment.
En 2021, il nous reste le gars qui est somme toute pas mal content que son livre soit le Ice Bucket Challenge de ce cycle médiatique.
Je trouve ça cool, tout de même, qu’un livre puisse devenir un objet viral aussi instagrammable qu’une bouteille de Meinklang orange ou qu’une tente plantée en Gaspésie pendant les vacances d’été. Ça flatte mon ego, oui, mais ça signifie qu’un livre a encore le pouvoir de fédérer beaucoup, beaucoup de monde en même temps, et de susciter des discussions. (Si les gens le lisent. Peut-être que les gens l’achètent juste pour faire une story, aussi, comme les influenceurs qui paient pour monter dans un jet privé sans voler, juste pour flasher. J’admire leur pragmatisme.)
Faque ouais. Boudez pas votre plaisir, soyez enthousiastes, viralisez le livre, peu importe ce que vous lisez. Même si les auteurs en question l’admettront pas, ça leur fera plaisir.
Et si vous avez déjà lu mon livre et que vous avez raté votre occasion de contribuer à la viralité de l’objet, mais que vous avez tout de même apprécié votre lecture, je voulais vous suggérer quelques œuvres qui ont résonné chez moi et qui font écho aux thèmes ou à l’univers de Haute démolition :
- Le film Marriage Story, de Noah Baumbach, qui explore les complications inhérentes à une relation entre deux artistes qui collaborent de près.
- Le Netflix Special Inside, de Bo Burnham, qui aborde notamment la question de la santé mentale chez les humoristes.
- I’m Dying Up Here, une série créée par David Flebotte sur le milieu de l’humour de Los Angeles dans les années 70 et qui aborde l’amitié et la rivalité d’humoristes émergents.
- Les spectacles de Virginie Fortin, Richardson Zéphir, Rosalie Vaillancourt, Arnaud Soly, et sûrement une couple d’autres que j’oublie. Et suivez Suzie Bouchard et essayez de l’attraper dans une soirée d’humour. Elle a script-édité les blagues dans le livre et c’est la fille qui me fait le plus rire au monde
Aussi, est-ce que quelqu’un a des nouvelles de ce qui est arrivé à Joseph Kony? J’ai entendu dire qu’il avait beaucoup trendé sur les réseaux en 2012 et que ça avait bousculé l’ordre du monde. Sur ce, je vous laisse, je vais aller réécouter mon entrevue à Tout le monde en parle en me touchant pour une 22e fois.