Infolettre #29

Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat sans faire trop d’efforts, Ta Mère a décidé de sous-traiter son infolettre à ses auteur.trice.s. En cette journée de célébration du livre québécois, Rébecca Déraspe vire un brin sentimentale…
 
Chère communauté de la lecture,
 
Ici Rébecca Déraspe, autrice dramatique. Dans le sens que j’écris du théâtre. Pas dans le sens que j’écris juste du drame. Même si bon, je dois avouer que ça m’arrive fort souvent de pleurer devant les déchirures du monde – du mien, du nôtre.
 
J’ai aujourd’hui l’honneur de m’infiltrer dans cette infolettre puisque ma pièce Fanny paraît aux Éditions de Ta Mère. Et ce qui me rend toute joie, c’est de constater que le théâtre, cet art que j’aime si fort, trouve sa place dans vos bibliothèques. L’oralité, le dialogue, c’est quelque chose qui demande à la tête une autre forme de disponibilité quand on tient un livre entre ses mains. Il faut entendre avant de voir. S’asseoir à la table de la cuisine et écouter les discussions, sans intervenir. Juste être. Avec le bruit du monde qui vrille, qui tourbillonne. Avec les poissons qui, eux, ont le privilège de s’en mêler.
 
J’espère que vous entendrez Fanny avec tout l’humour, la verve, la sagacité avec lesquels je l’entends moi-même. J’aime ce personnage. Elle me donne envie de m’agrandir. J’aime aussi Alice et Dorian. J’ai hâte que vous les rencontriez. Ils sont comme eux seuls sont. Des humains qui tentent tant bien que mal de faire avec la vie, la leur.
 
D’ailleurs, en parlant d’être comme soi-même on est. En ce jour du 12 août, celui de notre littérature québécoise, j’ai envie de souffler sur les bougies métaphoriques de nos écrits collectifs. De souhaiter aux autrices, aux auteurs québécois de l’envie d’écrire, de la nécessité, des doutes à répandre, des douleurs à réparer, du magnifique à espérer. J’ai envie, surtout, de souhaiter aux lectrices, aux lecteurs de l’envie de faire rencontre avec ce qui se crie, se dessine, se chuchote, se grave ici, dans un Québec aux millions de visages.
 
J’écris ces quelques mots en direct des dunes de Pointe-aux-Loups, aux Îles-de-la-Madeleine. Le territoire magnifique, immense et aride, me rappelle comme il est bon de plonger dans les vents de mots qui défilent sur une page pour se retrouver, soi, au centre de la tempête partagée.
 
Pis là, je relis la phrase que je viens d’écrire, je la trouve ben ben alambiquée. Dans ces moments-là, je me dis que je suis chanceuse qu’au théâtre, on entende juste mes dialogues.