Infolettre #5
Après une longue pause estivale, l’infolettre dans laquelle « info » est entre guillemets est de retour. Cette semaine, Alexandre Fontaine Rousseau vous parle lancement et vous casse les oreilles avec son nouveau livre…
Vous vous demandez peut-être pourquoi ça fait si longtemps que ça que vous n’avez pas eu de nouvelles de Ta Mère. En gros, c’est parce que c’était l’été et qu’il ne se passe rien dans le merveilleux monde du livre en été – à part les dix mille photos de drinks et de livres que vous postez sur Instagram pendant les mois de juillet et d’août.
Ben oui. On le sait que vous êtes en vacances pis que vous aimez ça les livres. Mais pendant que vous vous prélassez sur la plage avec un exemplaire de En as-tu vraiment besoin?, les ouvriers du milieu littéraire travaillent d’arrache-pied à préparer une « rentrée » riche et diversifiée qui vous permettra d’offrir des cadeaux de Noël à tous les membres de votre famille. Même ceux qui n’aiment pas lire.
Je vais vous donner un exemple. Moi, pendant que vous vous amusiez allègrement au soleil pis que vous agenciez votre cocktail tropical d’une couleur inusitée avec une des couvertures réalisées par Ben Tardif, j’étais dans mon salon pis j’essayais de faire le tour de Teenage Mutant Ninja Turtles au vieux Nintendo afin de terminer mon tout nouveau livre intitulé Vieille école.
Bon bon bon. Vous êtes probablement en train de vous dire que j’suis quand même un gros sans-gêne de toujours toute ramener à moi pis de toujours parler de mes projets à moi. « Coudonc. Me semble qu’ils lançaient plus qu’un livre cette saison, les Éditions de Ta Mère. » Pis vous avez parfaitement raison. Il y a quatre nouveautés, cette saison. Dont mon livre. Est-ce que je vous ai déjà parlé de mon livre?
Ç’a peut-être l’air de rien, dit comme ça. Mais je vous jure que, dans les faits, c’est pas facile d’écrire un livre. « Eille Alexandre, as-tu envie de venir prendre une p’tite bière au parc tantôt? » Non dude, j’ai pas envie de venir prendre une bière au parc pis lâche-moi avec ton saint-ciboire de pique-nique parce que je suis occupé à terminer mon ostie de manuscrit que ça fait un an que je gosse dessus pis faut que je fasse une expérience scientifique pour déterminer après combien d’heures d’affilée à jouer à Dr. Mario tu vires cliniquement fou.
Ben non. C’est pas vrai. On aime ça, faire des livres. Mais c’est pas faux de dire que c’est du travail en ti-père pis que, des fois, ça arrive qu’on se demande pourquoi on se donne tout ce trouble-là. Jusqu’à ce qu’on tienne le produit final entre nos mains fébriles et qu’on se dise qu’il y a de quoi être fier, pareil. Finalement, ça valait la peine de dire non à toutes les p’tites bières de l’univers pour terminer ça à temps, ce beau livre là.
Mais laissez-moi vous dire que s’il y a bien un moment où les auteurs se rattrapent, c’est le soir de leur lancement. Amenez-en, de la bière. Amenez-la toute. Ça fait que tu peux probablement t’imaginer ce que ça donne quand tu lances quatre livres le même soir. Pis c’est ça qu’on va faire, lundi le 22 octobre 19h, à la Taverne du Pélican. Pour fêter ça, les Éditions de Ta Mère vont même payer un drink aux cinquante premières personnes qui se pointent et qui achètent un livre.
En plus de mon livre, vous pourrez mettre la main sur la nouvelle pièce de Sarah Berthiaume, Nyotaimori, le plus récent roman de Jean-Philippe « choix des collégiens » Baril Guérard, Manuel de la vie sauvage, ainsi que l’essai dansant Poétique du mixtape de Stéphane Girard. C’est un pas pire gros lancement, pareil.
L’automne de Ta Mère
Voici un petit résumé de nos quatre nouveautés pour l’automne. Restez à l’affut pour les couvertures et autres détails juteux!
Nyotaimori, De Sarah Berthiaume
Théâtre – 5 septembre
Maude étouffe : son emploi de journaliste pigiste s’est immiscé dans toutes les sphères de sa vie. Entre les articles à finir, les reproches de sa blonde et les sirènes de la procrastination, elle tente de trouver un espace de liberté. Le coffre d’une voiture usinée au Japon et la porte d’un atelier de fabrication de lingerie en Inde, menant tous deux à son immeuble par des voies inexplicables, vont bouleverser sa vie et son rapport au monde.
Dans un texte parsemé d’humour et de surréalisme, Sarah Berthiaume met en scène une série de rencontres improbables qui nous amènent à interroger notre rôle dans un système qui transforme les humains en machines et les femmes en objets.
Manuel de la vie sauvage, De Jean-Philippe Baril Guérard
Roman – 10 octobre
J’ai appris beaucoup de choses en fondant mon entreprise. J’ai appris que l’argent se définit par sa quantité, mais aussi par sa qualité. J’ai appris que toutes les relations humaines impliquent une transaction et qu’il faut toujours s’assurer de ne pas perdre au change. J’ai appris que la haine est le plus grand moteur d’innovation. J’ai appris que la seule façon de se faire respecter par les autres est d’avoir une relation contractuelle avec eux. J’ai appris qu’il ne faut pas confondre la légalité avec la moralité. J’ai appris que je suis une bonne personne, mais j’ai aussi appris qu’il est important de faire des compromis.
J’ai dû apprendre tout ça par moi-même, au prix d’échecs cuisants et d’efforts soutenus. Et même si, en ce moment, votre startup ne connaît pas de succès, vous avez une immense chance : vous tenez entre vos mains un livre qui vous fera profiter de tout ce que j’ai appris, en accéléré. Et si vous appliquez bien ce que je vous enseigne, vous aurez la chance de devenir un peu comme moi.
Vieille école, De Alexandre fontaine Rousseau, avec les dessins de Cathon
Essais – 23 octobre
«Dans mon temps, les jeux vidéo étaient durs pour vrai pis, si tu mourais, ben tant pis pour toi. Tu recommençais au premier niveau pis c’était ça qui était ça.»
Revisitez l’âge d’or du Nintendo Entertainment System et des mots de passe de deux pieds de long en compagnie d’Alexandre Fontaine Rousseau, auteur des Premiers aviateurs et de Musiques du diable et autres bruits bénéfiques. De Super Mario Bros à Castlevania en passant par Ninja Gaiden et Mega Man 3, redécouvrez toutes vos cassettes de Nintendo préférées ainsi que toutes celles que vous auriez préféré oublier dans cet hommage nostalgique à une époque plus simple où l’important, dans la vie, c’était de savoir c’est qui ton Ninja Turtle préféré.
Poétique du mixtape, de Stéphane Girard
Essai – 6 novembre
Rempli de gros beat et de grosse sémiologie, Poétique du mixtape propose une analogie entre la pratique du sujet parlant décrite par la linguistique et la pratique artistique des disc-jockeys. Ferdinand de Saussure, Gérard Genette et Nicolas Bourriaud partent à la rencontre de Diplo, d’Ivan Smagghe et de Tiga; les prestations enregistrées des DJ — les mixtapes — reçoivent (enfin) l’attention esthétique qui leur est due; la socio-ethnologie de la club culture est confrontée à ses propres insuffisances; et on tâche ultimement de répondre à cette allitérative interrogation : que dire du dire des DJ?
Infolettre #4
Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat, Ta Mère a eu la fausse bonne idée de demander à Alexandre Fontaine Rousseau de prendre le contrôle de son infolettre.
Cette semaine, Alexandre s’improvise intervieweur…
« Tsé Alex, dans infolettre, il y a info. Pis info, en fait, ça vient du mot information. Ça fait que ce serait l’fun que notre infolettre informe les gens, de temps en temps. » Ainsi débutait une énième missive passive-agressive de mon éditeur Maxime Raymond, qui aimerait que je vous tienne « au courant » des affaires de Ta Mère sous le fallacieux prétexte que « c’est à ça que ça sert, une infolettre ». Pfffff. Tout le monde sait qu’une infolettre, ça sert à être crissé aux poubelles sans être lu.
Cela étant dit, le truculent Jean-Philippe Baril Guérard vient tout juste de remporter le Prix littéraire des collégiens pour Royal et je me suis dit qu’il s’agissait là de l’excuse rêvée afin de rencontrer ledit exquis personnage pour discuter, dans une atmosphère sérieuse mais décontractée, de son œuvre. Monsieur Baril Guérard est un homme occupé, mais il a bien voulu m’accorder quelques minutes pour mener cet entretien littéraire que j’oserais qualifier de « grand ».
AFR : Vous venez tout juste de gagner le Prix littéraire des collégiens. Quel effet cela vous fait-il de corrompre la jeunesse?
JPBG : Ça me donne espoir. Idéalement, ces jeunes deviendront mes disciples, à terme.
AFR : Mais qu’en est-il de la morale?
JPBG : Je sais, j’ai encore beaucoup de travail à faire pour corrompre la morale. Mais c’est une entreprise de longue haleine.
AFR : Après le succès fulgurant de Royal, avez-vous l’intention de recycler la recette et de pondre des suites et des pastiches de votre propre œuvre dans le but avoué de devenir indécemment riche?
JPBG : Je travaille actuellement sur Impérial, qui raconte en quatre tomes le Barreau du narrateur de Royal. Je compte ensuite raconter ses études à la maîtrise en défense contre les forces du mal à l’Institut britannique d’études supérieures de la magie, rattaché au collège Poudlard.
AFR : Est-ce que tous vos romans s’inscrivent déjà dans un seul et même univers et, si oui, pourrait-on appeler ça le « barilniverse »?
JPBG : Ou Bariverse, oui.
AFR : Quels sont vos plans à plus long terme pour le Bariverse?
JPBG : J’aimerais boucler la trame secondaire expliquant que plusieurs de mes personnages déjà existants sont des humains reptiliens. Les lecteurs à l’œil aiguisé auront probablement déjà remarqué les indices présents dans mes deux premiers romans.
AFR : La réalité ne serait donc pas ce qu’elle semble être?
JPBG : Évidemment, non. Je l’ai découvert en creusant l’univers des étudiants en droit, et je le découvre maintenant en creusant l’univers du gouvernement mondial.
AFR : Si vous étiez un lutteur, quelle serait votre chanson thème?
JPBG : I’m The Baddest Man Alive. The RZA feat. The Black Keys.
AFR : Je parle de lutte, bien entendu, parce qu’il me semble évident qu’il s’agit d’un thème sous-jacent de votre œuvre.
JPBG : Effectivement : lutte des classes, lutte dans le Jell-O, lutherie.
Nous aurions pu parler durant des heures, mais c’est à ce moment que Maxime est intervenu pour dire que, contrairement à moi, Jean-Philippe n’avait pas de temps à perdre, pis qu’en plus c’est même pas lui qui fait un roman sur la lutte c’est Mathieu Poulin ça fait que veux-tu ben. Je crois tout de même avoir défriché de nombreuses pistes de lecture qui permettront au grand public de découvrir sous un autre jour l’œuvre de l’homme qui peut désormais se vanter d’être « le choix des jeunes ».
Espérons qu’il s’agisse de la toute première d’une série de rencontres qui nous permettront de décortiquer l’esprit complexe des plus grands créateurs de notre époque. D’ici là, vous pouvez plonger dans le Bariverse en vous procurant Sports et divertissements et Royal, ou faire votre intéressant qui a tout lu, même sa pièce de théâtre, en mettant la main sur La singularité est proche chez votre libraire préféré.
Infolettre #3
Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat, Ta Mère a eu la fausse bonne idée de demander à Alexandre Fontaine Rousseau de prendre le contrôle de son infolettre.
Cette semaine, notre relation professionnelle avec Alexandre s’envenime…
Ça fait que l’autre jour, Maxime Raymond (NDLR : l’éditeur de Ta Mère, voir nos infolettres précédentes pour plus de détails) est venu me porter les deux plus récentes parutions des Éditions de Ta Mère chez moi – avant de me faire remarquer que ça pourrait être « intéressant, voire pertinent » de « parler des livres un peu » dans mon infolettre. Ç’a l’air que j’écris « juste des niaiseries » pis que c’est « même pas vrai » que Max veut tout abandonner pour déménager en Outaouais.
Yeah right.
Je l’ai remercié poliment après lui avoir dit que c’était une ben bonne idée. Puis, j’ai déposé les deux livres sur ma pile de trucs à lire, juste à côté de mon lit, en me disant que je m’occuperais de ça une fois que j’aurais terminé mon projet de me taper l’oeuvre entière de Michael Moorcock en essayant de comprendre concrètement le lien unissant Le cycle d’Elric (dix tomes) à La légende de Hawkmoon (sept tomes, publiés en deux cycles distincts).
Deux semaines plus tard, Maxime m’a appelé en me demandant comment ça avançait. « Ben finalement Max, c’est toute l’oeuvre de Moorcock qui existe dans une sorte d’univers cohérent pis même les quatre tomes des Aventures de Jerry Cornelius et le Cycle des Danseurs de la fin des temps sont liés à Elric… » C’est sur un ton que l’on pourrait qualifier d’irrité que Maxime m’a dit qu’il ne savait pas c’était qui, Michael Moorcock. « Ben oui tu sais c’est qui! »
« Non, Alex. Je sais pas c’est qui, Michael Moorcock. Pis j’m’en sacre un peu… »
« C’est un auteur britannique, mais il a aussi écrit des chansons pour Hawkwind pis Blue Öyster Cult… » Max m’a dit que ça avait l’air ben intéressant tout ça, mais qu’il se demandait aussi si j’avais eu le temps de lire Alice marche sur Fabrice et Dimanche. « Dans quel cycle ils s’inscrivent, ces deux livres là? Je suis pas sûr que ce soit des Michael Moorcock, honnêtement. » C’est là que je me suis rendu compte que je savais pu on était quelle date… pis que j’avais probablement passé deux semaines entières à lire des Michael Moorcock sans jamais sortir de mon appartement.
Shit.
Mais c’est pas grave, sérieux. Parce que j’ai été à l’université et que si y a ben une chose que les études supérieures m’ont apprise, c’est écrire des affaires sur des affaires que j’ai pas lues. Je détiens un baccalauréat en ça, faire les choses à la dernière minute. Pis tu sais ce qu’ils disent : si ça marche pour Gilles Deleuze, tu peux être sûr que ça marche pour le reste.
Ça fait que je lui ai dit que je lui envoyais ça d’ici une heure ou deux, pis j’ai mis la machine à bullshit en marche. Comme dans le temps. Anyway, les chroniqueurs culturels font tout le temps ça aussi, dire n’importe quoi.
***
Alice marche sur Fabrice, de Rosalie Roy-Boucher
Dès la toute première phrase du roman de Rosalie Roy-Boucher, le lecteur comprend qu’il sera question de voyage : « Je suis arrivée hier au Puy. Vol direct jusqu’à Lyon. Vol à rabais. » Espace transitoire par excellence, l’aéroport évoque le changement. La protagoniste du livre de Roy-Boucher est d’ailleurs à un carrefour, dans sa vie. On devine qu’elle ne marchera pas concrètement sur Fabrice, mais qu’elle désire piétiner son souvenir. Marche-t-elle pour l’oublier, ou pour s’oublier elle-même?
Avec un titre comme Dimanche, on se doute bien du fait que la poésie de Jérôme Baril traitera du quotidien. Mais pourquoi dimanche? Pourquoi pas samedi? Pourquoi ce jour plutôt qu’un autre? Parce qu’il s’agit, sans doute, de celui qui reflète le mieux l’intériorité du personnage principal. On peut échapper à la semaine, au travail. Mais on ne peut pas échapper à soi-même. Seul face à lui-même, sur la couverture du livre, notre héros s’observe dans un miroir. Mais la question demeure : se réfléchit-il vraiment, face à cette réflexion?
***
Pour une raison qui m’échappe toujours, Maxime a pas eu l’air ben impressionné quand je lui ai remis ça.
Mais si vous êtes à Québec cette semaine et que vous désirez en savoir plus sur ces deux livres, sachez que Rosalie Roy-Boucher et Jérôme Baril seront au Salon international du livre de Québec. Ils ont non seulement lu leur livre, mais ils l’ont écrit en plus. Alors ils en savent vraiment beaucoup sur leur propre travail – et seront (probablement) en mesure de répondre à toutes vos questions.
Veuillez consulter l’horaire de dédicaces pour connaître leurs disponibilités respectives, de même que celles de tout le monde qui sera présent lors de l’événement!
Horaire de dédicaces au Salon international du livre de Québec 2018
Venez nous voir au stand 82!
Jean-Philippe Baril Guérard:
Vendredi 13 avril: 20h
Samedi 14 avril: 12h et 16h
Dimanche 15 avril: 11h
Rosalie Roy boucher:
Vendredi 13 avril: 19h
Samedi 14 avril: 11h et 15h
Dimanche 15 avril: 14h
Véronique Grenier:
Samedi 13 avril: 13h et 19h
Dimanche 15 avril: 12h
Jérôme Baril:
Samedi 14 avril: 14h et 17h
Dimanche 15 avril: 13h
Infolettre #2
Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat, Ta Mère a eu la fausse bonne idée de demander à Alexandre Fontaine Rousseau de prendre le contrôle de son infolettre.
Cette semaine, Alexandre se fait confier une importante mission…
Montréal, 1er mars 2018.
Maxime Raymond, directeur littéraire de Ta Mère, a disparu. Aux dernières nouvelles, il avait quitté Montréal pour Gatineau, où il devait représenter les intérêts commerciaux de l’entreprise dans le cadre du Salon du livre de l’Outaouais. Une opération de routine.
Mais, depuis hier, ses partenaires s’inquiètent, car Maxime n’a donné aucun signe de vie au cours des dernières 24 heures. Son cell est-il mort? A-t-il été attaqué par des brigands de grand chemin? A-t-il obtenu un poste dans la fonction publique? Jouit-il d’une sécurité d’emploi généralement étrangère aux acteurs du milieu littéraire? Personne ne le sait.
Sachant que j’ai grandi dans la région administrative en question et que je connais par conséquent parfaitement bien le territoire, le dialecte ainsi que les coutumes locales, l’équipe de Ta Mère m’a chargé de retrouver Maxime et de le ramener à la maison.
Salon du livre de l’Outaouais, jour 1.
Je quitte Montréal vers 21h dans un autobus à destination d’Ottawa. À mon arrivée, je traverse la rivière afin de me diriger vers le secteur du Vieux-Hull. Je connais bien le coin, de même que ses innombrables débits de boisson. Je reconnais l’odeur du vice, la rumeur distante du party qui bat son plein.
Ici, les bars ferment à 2h. Les fêtards savent qu’ils n’ont pas de temps à perdre.
J’ignore les souvenirs d’adolescence qui remontent à la surface et je me rend d’un pas assuré jusqu’à l’appartement où loge Maxime. À ma grande surprise, il m’attend sur le pas de la porte et me tend une Labatt 50 en guise de poignée de main – un geste aussi connu des initiés sous le nom de « Gatineau handshake ».
Il est maintenant minuit. Maxime se débouche une je-ne-sais-combientième bière en me disant qu’il veut m’expliquer les règles du crib. Il écoute du Bruce Springsteen. « Tu vas voir, mon Alex. On est crissement ben icitte. » L’Outaouais, de toute évidence, a déjà pris possession de son âme.
Salon du livre de l’Outaouais, jour 2.
Assommé par les 50 de la veille, je me lève à une heure tardive. Maxime a déjà quitté l’appartement. Je le rejoins donc au Salon du livre, me frayant tant bien que mal un chemin parmi les hordes d’enfants qui veulent à tout prix leur fix d’Agent Jean.
Je le retrouve malgré la foule grouillante et je lui demande comment vont les affaires. « Ça se passe en ta’, mon Alex. J’ai vendu plein de livres hier! Plein! On a même réussi à passer un exemplaire du tien. C’est pas tous les jours que ça arrive, ça. » Je dois bien reconnaître qu’il a raison.
Il poursuit sur sa lancée : « Qu’est-ce que tu dirais d’aller au Boston Pizza, tantôt? Je pense qu’il y a une game des Sens, ce soir! »
Simon Boulerice et Jean-Philippe Baril Guérard se joignent à nous au courant de l’après-midi. Maxime leur parle de faire une résidence d’auteur en Outaouais, leur dit que ça pourrait être « cool » de venir s’installer ici « en gang » pour une coup’ de mois.
Je vois clair dans son jeu.
Salon du livre de l’Outaouais, jour 3.
Maxime démarre sa journée avec un « Old Aylmer breakfast », nom donné au classique cocktail Clamato-bière dans le vernaculaire local, tandis que je tente tant bien que mal de me remettre de la soirée d’hier avec un déjeuner santé à base d’Advil et de Gatorade bleu.
J’ai désormais l’intime conviction que nous ne survivrons pas à ce périple.
N’empêche qu’on a du fun, ici. Comme le veut la tradition, Simon Boulerice a dû défendre son titre de président d’honneur du Salon en affrontant tous les auteurs présents au bras de fer. Il a fait preuve d’une force physique exemplaire avant d’être battu par l’homme fort du coin, Guillaume Perrault, musclé du bras par des années de dur labeur en tant que dessinateur.
Salon du livre de l’Outaouais, jour 4.
Maxime a passé la soirée d’hier à répéter qu’il ne partirait jamais de cette contrée magique où l’homme est à même de renouer avec son essence primordiale. Je commence, pour ma part, à en avoir assez de manger de la pizza pis du chinois de food court.
Au cours des dernières heures du Salon, le comportement de mon compagnon devient erratique. Je le sens fébrile, son regard scrutant l’horizon à la recherche d’une manière de fuir. Rêve-t-il de disparaître dans le parc de la Gatineau pour ne faire qu’un avec la nature?
Je décide de le confronter.
« Tes enfants t’attendent » ne semblant pas fonctionner, je décide de sortir les gros guns. « Tu vas quand même pas manquer le lancement de Alice marche sur Fabrice de Rosalie Roy-Boucher et de Dimanche de Jérôme Baril le lundi 19 mars au Sporting Club?! »
Sachant que ça risque d’être pas mal incontournable comme événement et qu’il va y avoir de la bière en plus de ça, Maxime accepte finalement de rentrer à Montréal.
Mais dans la navette nous ramenant à la maison, je sens tout de même que son cœur est ailleurs. Comme le veut le vieux dicton, « tu peux sortir le gars de l’Outaouais, mais tu peux pas sortir l’Outaouais du gars ».
À l’année prochaine, Gatineau.
Salon du livre de l’Outaouais
Ta Mère vient de s’installer au Salon du livre de l’Outaouais! C’est sa première visite, et c’est aussi la première fois que le président d’honneur d’un salon du livre, Simon Boulerice en l’occurrence, sait si bien faire la split. Il n’y a pas de hasard.
Nos auteurs vous attendent au kiosque #200:
Vendredi 2 mars
17h: Jean-Philippe Baril Guérard
18h: Alexandre Fontaine Rousseau
19h: Simon Boulerice
20h: Jean-Philippe Baril Guérard
Samedi 3 mars
12h: Jean-Philippe Baril Guérard
13h: Simon Boulerice
14h: Alexandre Fontaine Rousseau
15h: Jean-Philippe Baril Guérard
Infolettre #1
Dans le but d’informer et de divertir son fidèle lectorat, Ta Mère a eu la fausse bonne idée de demander à Alexandre Fontaine Rousseau de prendre le contrôle de son infolettre.
Cette semaine, Alexandre enquête sur les couvertures des livres à paraître ce printemps…
Tu connais sûrement le vieux proverbe niaiseux selon lequel il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Il s’agit, évidemment, d’un mensonge perpétué par certains éditeurs qui engagent des graphistes à rabais pour qu’ils leur gossent vite faite une couverture laite sur Microsoft Paint ou pour qu’ils agencent savamment une illustration clipart avec un titre en Comic Sans MS.
Sérieux. Viens me faire croire que la maquette classique de la NRF ne te fait pas de l’œil chaque fois que tu penses à t’acheter la version d’un roman publiée chez Folio. C’est une très belle photo de nature morte que vous avez choisie là, gang. Mais je pense que je vais opter pour l’élégance et la sobriété, quitte à payer vingt dollars de plus pour mon livre.
Entre toi pis moi, tu vas être pogné avec ce livre-là dans ta maison pour un bout de temps. Ça fait que t’es aussi ben de le trouver beau, tant qu’à payer pour. En plus, c’est quand même un peu insultant pour ceux qui se fendent la bicyclette en deux pour faire une bonne job de faire comme si c’était le comble de la superficialité d’être sensible à leur travail.
Aux Éditions de Ta Mère, en tout cas, personne fait semblant que c’est pas important dans l’espoir d’être pris au sérieux. Au contraire, les couvertures sont conçues spécifiquement pour flasher, attirer ton attention et t’inciter à te départir de tes derniers deniers. Enweille don’. Ça va crissement ben paraître sur une photo en plongée, à côté d’une tasse de café.
Watch out, Instagram.
Tout ça pour dire qu’il y a trois nouveaux titres à paraître ce printemps chez Ta Mère et qu’ils ont tous en commun – vous l’aurez sans doute deviné – le fait de posséder une couverture. Fidèle à son habitude, Benoit Tardif s’est surpassé, et je me suis dit que ce serait quand même plate de ne pas le souligner.
Ça fait que j’ai décidé de jaser de ça avec lui, au lieu d’essayer de vous parler de trois livres que je n’ai pas encore lus. On va donc juger ces trois livres là à leur couverture, étant donné que c’est tout ce qu’on a pour le moment de toute façon.
» Pour Alice marche sur Fabrice, l’idée d’une couverture hyper colorée est venue assez rapi-dement : le sud de la France et l’Espagne, ça m’inspirait des couleurs chaudes. De plus en plus, j’essaie de dessiner des décors, des paysages. Je trouve que c’est intéressant et que ça multiplie les possibilités de concepts… et le paysage est important dans ce récit-là. «
» Ce que je trouve de plus en plus difficile, c’est de m’assurer que mon illustration colle au ton d’un livre. Mon dessin est naturellement drôle et ç’a été une réelle remise en question quand j’ai fait la couverture de La Singularité est proche. Ç’a été la galère, en fait. J’ai travaillé sur un autre concept, jusqu’à la journée où il fallait envoyer les fichiers à l’imprimeur… »
» Mais à la dernière minute, on s’est rendu compte qu’on n’aimait pas ça! En plus, j’avais un rendez-vous pour mes REER ce jour-là. Mais une heure avant mon rendez-vous, j’ai ressorti mes crayons… L’idée de l’eau est forte dans le texte. Ça et l’angoisse du soleil… On aimait le côté sensible de cette couverture, alors que ça manquait totalement à la précédente. »
» Pour Dimanche, je voulais faire quelque chose d’assez minimaliste, probablement en noir et blanc. L’idée de la salle de bain, c’est venu assez instinctivement; ensuite, j’ai eu celle des gouttes dans le miroir. Je trouvais que ça collait bien au texte. On a fait quelques tests et Maxime Raymond [ndlr : le gars qui refuse vos manuscrits] a proposé le bleu. Ça évoquait un peu la solitude, mais aussi la neutralité. Une certaine froideur. »
Ce que je retiens de tout ça, c’est que Ben a des REER pis pas moi. Tant mieux pour lui.